Rétro 2011 : Réjean, lynchages et pages Facebook

Je m’apprêtais à faire ma petite rétro de 2011, quand je me mis à jouer au jeu de Lagacé, soit de trouver le mot qui caractérise le mieux l’année. Deux mots me sont immédiatement venus à l’esprit : Lynchage et Facebook. Je vais revenir sur quelques événements où mon contemporain québécois a particulièrement brillé par sa médiocrité, par son manque de jugement, et par un immense et décourageant manque de maturité sociale.

J’aurais aimé procéder intelligemment en commençant par janvier et en finissant par décembre, mais consanguin moi aussi fort probablement, je suis incapable d’une telle rigueur. On va donc y aller pèle-mêle et sans jugement, comme Réjean. Ah oui Réjean, lecteur, c’est toi, c’est moi, c’est ton beau-frère, c’est ton voisin. Réjean c’est nous, peuple mollusque d’ici, mais si j’écris le cave de québécois toutes les deux lignes, tu vas pogner les nerfs et moi aussi, et on se rendra pas en bas de ce qui s’annonce pour être un chef d’oeuvre de cette fin d’année. On va donc mettre ça sur le dos de Réjean.

Procès Turcotte

Réjean est en tabarnak. D’abord, lecteur, personne ne l’avait prévenu que la peine de mort avait été abolie. Pire, la tivi lui annonce que le meurtrier Turcotte est non-criminellement responsable. Kécéça ??? Vont le libérer, va hanter nos rues, va ouvrir nos enfants, viiiiite une page Facebook ! C’est bizarre, Réjean, il a tout le temps peur des affaires qui peuvent pas arriver. Ce que la justice a essayé de lui dire, c’est que l’état psychiatrique de Turcotte fait qu’il ne relève pas du système carcéral traditionnel, mais de la médecine psychiatrique. Donc qu’il sera interné, et pas emprisonné. Réjean il a compris libre autour des maternelles. Remarque c’est pas la première fois, Réjean, on lui avait déjà fait croire que des femmes voulaient voter plein de barbe dans la face pour pas qu’on les reconnaisse, pis il avait déjà fait une page Facebook, à l’époque. Pour rien. La femme à barbe n’existait pas.

Bertrand Cantat

Déjà, au départ, tu fais pas chier Réjean avec du théâtre. Kécéça, des réciteurs de poésie, avec mes taxes ? Wajdi Mouawad ? Des islamistes ? Des terroristes ? Là c’est surtout Réjeanne qu’était en tabarnak. Personne ne l’avait prévenue que la peine de mort avait été abolie, en France aussi. Mais quand même, ça a été bien l’affaire Cantat-TNM, Réjeanne a pu revenir sur un couple d’affaires qui lui tenait à coeur, pis je te jure qu’elle lui a pas envoyé dire, à Réjean. Mais pendant que Réjeanne s’offusquait à bout de poumons sur toutes les tribunes qu’on puisse avoir une vie après avoir purgé sa peine légalement, y’avait plein de Réjeannes, St-Michel, Hochelaga, Longueuil, qui continuaient, silencieusement, à prendre des volées tous les soirs. La Réjeanne offusquée peut pas être partout. Lynchons celui-là, ça fera pour les autres.

DSK

Réjeanne est sollicitée cette année ! Troisième monstre de l’année, et l’année est jeune ! Là elle en est sûre, la peine de mort n’a pas été abolie aux États-Unis ! Mais non … ce serait plutôt mieux … hummmm … ils sont tombés d’accord avec Réjean : qu’on lui coupe les gosses ! T’façon, c’est tous des sodomites les français, tous des violeurs, je le savais ! Tu vois qu’on a bien fait de pas laisser rentrer Cantat ! Turcotte, c’est breton comme nom ça non ? Ah ben tabarnak, j’ouvre une page Facebook.

L’intimidation

Réjean est sous le choc, avec raison. On savait qu’on intimidait dans nos écoles, mais quand on apprend qu’une ado s’est suicidée, à bout de résistance, il est révolté. Ah c’est elle la petite criss qui l’a écoeurée, watch moi ben, m’a y mettre la face su mon Facebook, m’a mettre du flou juste assez pour qu’on la reconnaisse, elle a pas fini de payer la petite tabarnak.

À propos de Facebook, Réjean en a reçu une ostie de bonne, dans le temps des fêtes ! « Mon père, y’est riche, mon père ! ». T’as-tu vu l’ostie d’épais dire que son père est riche ? Y’est drôle en tabarnak, je le met su mon Facebook, t’auras qu’à la partager le moron !

Puis le partager, puis le partager, puis le partager, jusqu’à ce qu’il soit à bout de résistance, jusqu’à ce que le kid se pende.

Les cyber-prédateurs

Rendu en novembre, Réjean est convaincu : Y’a pas d’justice, tabarnak, y’é temps qu’on s’en occupe. Déguisé en pucelle, Réjean s’en va à la chasse aux prédateurs, webcam à l’épaule. Pis y’en pogne. Ah ben mes osties de DSK, vous allez voir ce que vous allez voir ! Et avec pas de flou, allez hop !  PIS COPIEZ-MOI ÇA SUR VOS FACEBOOK TABARNAK ! En 2011, Réjean ré-invente le Far-West, la vindicte populaire, l’auto-justice. On pouvait bien rire d’Herouxville qui voulait interdire la lapidation, ils l’avaient vu venir Réjean !

Et le Canadien, et le pont Champlain, et la construction, et les anglais … Réjean est épuisé. Trop de pages Facebook à ouvrir. Il va tomber dans le gin près de son sapin, pis ça sera bien mérité. Parlons-en du sapin, ce sera pas long qu’on aura plus le droit d’en faire, avec les maudits terroristes. Une chance qu’on a Martineau.

Voilà, c’était notre beau Réjean dans toute sa splendeur en 2011. Année de crise, année complexe, année pendant laquelle des peuples se sont extraits dignement de la dictature, année pendant laquelle la jeunesse a réfléchi à demain, collectivement, pacifiquement. Réjean, lui, il a manifesté deux fois dans sa vie. La première, c’était pour qu’un animateur de radio puisse avoir le droit d’intimider et d’insulter en toute impunité, et la deuxième, c’était pour avoir une patinoire. On a les combats qu’on mérite.

Tu comprends lecteur, on peut pas lui donner un pays à Réjean, il est trop petit, il est trop impulsif, il est trop immature, il est trop inculte, il est trop con, Réjean.

Un jour chez Martineau

Richard Martineau se positionne désormais clairement comme un journaliste d’extrême-droite, il ne lui reste plus qu’à l’assumer. Petite histoire d’un jour sur son blogue.

De droite me répondrez-vous ? Non, d’extrême-droite.

Plus bas, trois billets issus du blogue de Martineau, tous trois datés d’aujourd’hui, le 5 décembre 2011. On ne m’accusera pas d’avoir fait des recherches profondes et malhonnêtes dans l’ensemble de son oeuvre, c’est simplement sa production du jour.

Allez-y, tout est là.

Juste avant, petit rappel d’une définition utile de l’extrême-droite, par Wikipédia :

Les partis politiques qualifiés d’extrême-droite ne se définissent pas eux-mêmes par ce biais, rendant ainsi difficile une véritable catégorisation politique. Leur nationalisme affirmé est alors la principale raison de les classer à droite de la droite. Néanmoins, ces partis s’adressent d’abord à un électorat populaire, suivant une ligne anti-élite, et proposant souvent des mesures sociales ne correspondant pas avec les partis traditionnellement à droite. Ils peuvent également concentrer certains thèmes, parfois un traditionalisme religieux poussé, parfois au contraire un néo-paganisme, voire éventuellement des idéologies fascistes, etc. Xénophobie, bellicisme, racisme ou nostalgie peuvent également être présents.

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Commençons donc par sa « citation du jour » :

« Nier les racines catholiques de la France est une aberration. L’architecture de notre spiritualité, de notre métaphysique, de notre esthétique, notre rapport à la féminité, à l’enfance, à la démocratie… tout a été complètement structuré par le catholicisme romain. C’est un fait historique. Pourquoi devrait-on le nier ? » Denis Tillinac.

Qui est Denis Tillinac ? C’est un écrivain catholique traditionaliste de la droite dure française, proche de l’UMP (le parti de Sarkozy) à qui il recommande une alliance avec le Front National. Dans le roman de Frédéric Deslauriers (2011), Les Deux-Cents jours de Marine Le Pen, où Marine Le Pen gagne l’élection présidentielle de 2012, Denis Tillinac devient ministre de l’Éducation nationale.

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Dans la même journée, toujours sur le blogue de Martineau, l’histoire du maire du Mont-Royal qui a décidé d’enlever la crèche devant l’hôtel de ville. Qui est pointé du doigt ?

Je cite Martineau : « Les Juifs voulaient leurs décorations, les Musulmans itou… ».

Bien sûr, les Juifs et les Musulmans veulent toujours leurs décorations à Noël, c’est bien connu.

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Plus tôt ce matin, toujours à la même place, un billet sur la problématique de l’unilinguisme. On se dit que ça va donner un break aux Juifs et aux Arabes. Ben non. Le problème de l’unilinguisme, c’est « comme le foulard », vous aviez fait le lien bien sûr !

Et de citer, avec des guillemets :

« Plus vous dites qu’il ne faut pas le porter, plus on a le goût de le faire. On prendra ce morceau de tissu que vous honnissez tant et on le brandira partout où vous voulez l’interdire. On en fera un drapeau, un symbole identitaire, un cri de ralliement. Il représentera notre différence. »

Qui est cité ainsi ? « certaines musulmanes ».

Guillemets du racisme, de la honte et de la malhonnêteté, c’est une citation inventée par votre serviteur.

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Pour finir, après tout moi aussi j’ai des lectures, ces mots de Primo Lévi, en introduction de Si c’est un homme, livre écrit entre 1945 et 1947, à son retour d’Auschwitz :

Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c’est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui ou pour un non.
Considérez si c’est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu’à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N’oubliez pas que cela fut,
Non, ne l’oubliez pas :
Gravez ces paroles dans votre cœur,
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant ;
Répétez-les à vos enfants,
Ou que votre maison s’écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.

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Qu’est-ce que je veux insinuer ? Rien. Comme Martineau.