Tant que ça réclamait le droit de rouler en Hummer, que ça disait go-gauche, clique, communiss, salope, libârté, patinoire, merde à l’OSM, ostie de subventionnés, sur fond de ZZ Top, c’était plutôt drôle.
Haïti, « trou de marde », ça l’était déjà moins, mais ça confirmait qu’on avait l’antenne une bande de dégénérés dont le niveau intellectuel pouvait atteindre, avec efforts, celui d’une moule mature.
Quelques eructations radiophoniques plus tard, nous filions la métaphore culinaire pour finalement nous entendre que nous avions affaire à des jambons. Des jambons, des gros jambons, radio-jambon. On avait pas le choix, ça nous prenait un mot, court et simple, compréhensible de nos ex-molusques. Simon Jodoin ou la gang du Sportnographe ont bien tenté des appellations plus articulées, mais émus par le regard dépourvu de nos tubes digestifs déscolarisée, ils se résignèrent à faire simple : jambon.
Bref, bercés par la mélodie roteuse du jambon-moule de l’est, nous continuions nos vies, entre amusement et résignation : ben oui, qu’est-ce que tu veux, il faut de tout pour faire un monde. T’as bien un oncle obsédé, vulgaire, et qui sent la transpiration toi. Il fait partie de notre humanité quand même. Et puis tu le vois juste à Noël, alors …
On a bien ri, tube digestif, moule et jambon, mais je crois qu’il faut que le ricanement cesse et qu’on reprenne un peu nos esprits, j’allais dire, citoyens. Mononcle il est drôle, mais là, réveil, il a les mains dans la culotte de la petite.
Le 19 janvier, sur les ondes de Radio X Saguenay, lors de l’émission du matin, les animateurs proposaient ceci :
Castrer et déporter les itinérants dans le Grand Nord.
(voir la transcription ici, merci au blogue du Collectif Emma Goldman).
La liberté d’expression est garantie par l’alinéa 2b de la Charte Canadienne des Droits et Liberté. On y reconnait son importance vitale et le devoir de la protéger, que ce soit par le Parlement, la Justice, ou les différentes commissions compétentes existantes.
À propos de la Justice, dans l’arrêt Taylor de la Cour Suprême du Canada du 13 décembre 1990, le juge en chef Dickson déclarait cependant :
La propagande haineuse représente une menace grave pour la société. Elle porte atteinte à la dignité et à l’estime de soi des membres du groupe cible et, d’une façon plus générale, contribue à semer la discorde entre différents groupes raciaux, culturels et religieux, minant ainsi la tolérance et l’ouverture d’esprit qui doivent fleurir dans une société multiculturelle vouée à la réalisation de l’égalité.
L’arrêt en question est relatif à une affaire extrêmement intéressante : on distribuait aux gens une carte sur laquelle figurait un numéro de téléphone à Toronto, et quand on appelait, un répondeur faisait entendre des messages dénigrant les Juifs. Qualification de la cour : propagande haineuse.
Je ne suis pas spécialiste en droit, mais je me dis que si un message téléphonique a pu être considéré comme un appel à la haine, il doit pouvoir en être de même pour des propos tenus en ondes sur une radio à une heure de grande écoute ?
Car c’est bien de cela dont il s’agit. Les propos tenus sur Radio X Saguenay sont des appels à la haine. À la haine sociale. Ils ciblent le groupe identifié que sont les prestataires du Bien-être Social et les itinérants. Un groupe fragile, qui plus est, avec très peu de moyens de défense, et on le sait chez Radio Nord Communications, on le sait très bien, on le sait tellement.
Je crois que le temps est venu pour nous, collectivement, d’aller un peu au delà du jambon. Le temps est venu de sonner la fin de la récréation. Le temps est venu de défendre les principes d’une société à laquelle nous tenons.
Le temps est venu de fermer les micros, et d’ouvrir les tribunaux.