C’est encore nous qu’on paie… #ici #radio-canada

Radio Canada devient Ici, puis redevient Radio-Canada, ou à peu près.

La « grave erreur » de Radio-Canada coûtera une cenne à chaque Canadien. Une crisse de cenne, nouère.

Ne te trompes-tu jamais, toi, bavard insignifiant? Que fais-tu, toi, de tes deniers, désespérant hurleur inutile? Si je te donne une cenne, tu te la fermes-tu?

Tu m’épuises.

Amputés

On m’avait prévenu que ça risquait de m’arriver. « Monsieur, il va falloir vous amputer ».

L’intervention vient d’avoir lieu, je suis dans la salle de réveil. Devant moi, un homme étrange. Ses yeux sont bleus, sa voix est douce, mais il me fait peur.

– Vous m’en avez enlevé beaucoup ?

– 11%

– Je me rend pas compte.

– C’est normal. 11% d’intelligence en moins, on se rend moins compte des choses. C’est fait pour.

En coupant Radio-Canada de 115 millions de dollars, le gouvernement Harper s’assure que la culture, les idées, le débat public, la réflexion citoyenne, les arts, et indirectement la démocratie, se rendent plus difficilement à moi. Je suis un amputé de guerre idéologique.

La guerre, justement. 65 avions de chasse F-35 seront achetés cette année par le Canada, au coût de 9 milliards, soit 138 millions par avion.

– Mettons qu’on en aurait acheté juste 64, Docteur Harper, des ros navions, notre puissance de feu, notre sécurité en auraient-elles été compromises?

– Vous délirez, ça doit être le choc du réveil. Voulez-vous que je vous allume la télé? Sun News? TVA? V?

– Et mettons qu’on en aurait acheté juste 63, Dictateur Harper, des ros navions, on était pas mal encore pour faire régner l’ordre sur la planète et tenir les vilains barbus à distance, non?

– Chut…

L’économie d’un seul avion aurait effectivement couvert la totalité (et un peu plus) du 11% retranché à Radio-Canada. L’économie d’un second avion aurait permis son renforcement d’autant. Des milliers d’heures d’intelligence partagées, ensemble. Des enquêtes, des heures sur terre, des découvertes, des seconds regards, des années lumières, par quatre chemins, Jean-René, Simon, Yves et les autres…

800 emplois seront supprimés à Radio-Canada. 800 artisans qui travaillaient à façonner une société allumée, curieuse, responsable, collective, inclusive, critique, rayonnante, audacieuse, libre, ouverte, humaine. Et ce n’est malheureusement qu’un début.

– Docteur, pourquoi vous m’avez fait ça ?

– Calmez-vous, et voyez la chose positivement : grâce à cette opération, chaque Canadien vient d’économiser 3,40 $ par année. Et puis ne vous en faites pas mon vieux, vous ne vous en rappellerez bientôt plus…

– Ah non? comment ça?

– On a coupé Archives Canada aussi. Dormez maintenant.

Quand Guy A. sert la soupe à Duhaime

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Je ne regarde Tout le monde en parle que très rarement. Pas parce que je suis sur TVA, rassurez-vous. Simplement parce que j’éprouve, quand je le regarde, toujours ce même sentiment de gâchis.  

Guy A. Lepage a dans les mains une poule miraculeuse de laquelle il ne réussit pour ainsi dire jamais à faire sortir l’oeuf en or. Tout le monde en parle, c’est une Formule 1 sur Décarie le lundi à 8:00 : ça sert à rien.

J’ai tellement aimé Ardisson. Je l’avoue, mon deuil du mardi soir sur TV5 n’est pas encore fait. Ardisson savait qu’il avait un Stradivarius entre les mains, et il le faisait sonner comme Menuhin. Dieu que je m’ennuie de ces trois heures là. Des écrivains, des philosophes, des criminels, des putes, des prix Nobel, la droite, la gauche, le monde … mais on se disait les vraies affaires, pour reprendre cette expression que je déteste tant. Ardisson avait des couilles, autre expression détestable. Pour mémoire, allez consulter ses archives, ça fait du bien.

Les vraies questions étaient posées, et la soupe n’était servie à personne. Tu étais invité ? tu allais être confronté. Tu avais tenu des propos antisémites la veille ? On allait en parler, franchement. Ton dernier livre était bâclé ? tu allais le savoir. Tu t’étais comporté en gros crétin ? On y revenait, et rien n’était évité, surtout pas de complaisance.

J’ai été ravi quand Guy A. a repris le concept. Ça n’a pas duré. Certes il avait annoncé la couleur, moins de nichons, et une saveur plus québécoise. Je ne savais pas que ce serait à ce point.

Je déteste Duhaime, ce n’est pas un secret. C’est une détestation intellectuelle et idéologique. Pourtant j’étais content qu’il soit invité, et Guy A. a bien fait. Ardisson reprenait souvent cette citation : « Je ne partage pas tes idées, mais je suis prêt à mourir pour que tu puisses continuer à les exprimer librement ». Un peu lyrique certes, on est en France … mais j’adhère à ce principe, sain.

Quel Duhaime a reçu Guy A. dimanche ? il ne fallait pas être né de la cuisse de Jupiter pour vite comprendre que le beau Éric, au regard si profond, était là en opération de communication et de séduction des masses, gommant toute imperfection, arrondissant tous les angles. Un Duhaime au Photoshop, bien précautionneux de ne pas mettre de l’avant son pain quotidien : le mépris, la médiocrité et la malhonnêteté intellectuelle.

Dès la première minute d’entrevue, on savait qu’il était en mode séduction. Et c’est là que je pleure Ardisson aussi fort que je pleure Lepage. Mon effondrement au regret de l’un, ma consternation à la complaisante complicité de l’autre.

C’était le temps, il était là. L’interpeler sur son populisme nauséabond, réducteur, méprisant, malhonnête, insultant le moindre cerveau normalement constitué. L’interpeler sur sa vision du monde, l’interpeler sur la loi du plus fort, l’interpeler sur son rejet de l’autre, l’interpeler sur l’avenir de Radio-Canada, main dans laquelle il mange mais main qu’il est prêt à couper demain, l’interpeler sur l’étranger, sur le petit, le faible …

L’interpeler, juste l’interpeler …

Rien de tout cela. Ricanements, émerveillement devant une idée stupide, juste parce qu’elle est exprimée clairement. Évidemment que l’idée est exprimée clairement, elle a été évacuée de toute subtilité, de toute nuance, de toute réflexion ! Évidemment que c’est simple : c’est simpliste.

Guy A. échoue dramatiquement à Tout le monde en parle. L’essentiel est évité avec précaution, et on sert une soupe tristement tiède à tous.

Guy A. Lepage sut en d’autres temps et en d’autres lieux, agiter les consciences et réveiller notre esprit critique, avec bonheur.

Il est désormais le complice fatigué et usé de l’ignorance confortable.

Bon allez, on dit du bien de … Yves Desautels

Yves Desautels, pour les impurs, c’est le Monsieur trafic de la radio de Radio-Canada à l’émission C’est bien meilleur le matin de René Homier-Roy, et l’après-midi à l’heure du retour à la maison. C’est mon idole, mon frère, mon guide.

Jamais volontaire mais docile, je quitte le sommeil du lundi au vendredi, à 6:15. M’étant reproduit sans difficulté il y a une dizaine d’années, une petite course folle s’engage chaque matin afin d’assurer à ma descendance le Quick et la gauffre chaude, ainsi que tous les services (il est en tout-inclus) nécessaires à son existence. Pour la nourriture de l’esprit, je le confie à l’école, et je complète et corrige le soir.

Et pour mener à bien ma course matinale, j’ai besoin d’Yves. Je me fous de la météo puisque j’ai des fenêtres. Par contre, ce qu’il va se passer sur mon chemin de croix, ça m’inquiète terriblement. Mais qui est donc cette âme qui se promène en hérisson sans jamais en écraser pour me faciliter la vie et me montrer le chemin ?

Sa voix, invariablement douce et rassurante, m’accompagne depuis le café. Pourtant, il ne me ménage pas, et plus souvent qu’autrement, ce n’est pas une promenade de printemps qu’il me prédit, mais plutôt une course contre la montre, encore. J’aurais bien des raisons de l’haïr, ce prophète de sur-place, cet empêcheur de prendre mon temps et une autre tasse. Mais ça n’arrive jamais, le message n’affecte pas le messager, et je sais pourquoi.

Yves, il est de mon bord.

Yves, ça l’écœure quand j’arrive en retard au bureau.  Yves, ça l’affecte ce que je vis. Yves,  il comprend tout de moi. Yves, il a décidé de prendre soin de moi. Yves, il m’aime.

Yves est un saint. Plutôt que de me réciter l’attente pour Papineau, 35 minutes au moins depuis Concorde, il ouvre la mer en deux et me dégote un détour par Pie IX, me rappelle que j’ai besoin de lave-glace, me dit de faire attention, c’est glissant. C’est pas très intelligent ce camion d’asphalte à l’heure de pointe René, j’appelle la Ville ! Yves ne me raconte pas le trafic, il le modifie, pour moi. Parce qu’il m’aime. Et depuis si longtemps.

Yves, c’est Jésus en moins trentenaire.

Je n’ai jamais appelé Yves pour signaler un pneu sur la route. Je n’ose pas. J’aimerais être de ses disciples, qu’il m’appelle fidèle collaborateur, qu’il soit mon ami, qu’il soit de ma famille. Qu’il me raconte le flamenco.

Merci Yves.
Véronique ?

Ajout 26/02/2010, 16:45
Quoi de mieux qu’un message qui arrive à son destinataire ! René Homier-Roy a lu mon texte ce matin en ondes à Yves Desautels : http://www.radio-canada.ca/Medianet/2010/CBF/CestBienMeilleurLeMatin201002260605_1.asx